De l’utilité et de l’obligation d’une assurance DO
L’assurance Dommages Ouvrages (DO) : définition
C’est une assurance qui couvre le Maître d’Ouvrage des désordres rendant l’ouvrage impropre à destination ou qui nuisent à sa solidité, et ceci dans les 10 ans après la réception (garantie décennale). Certains disent que ces désordres ont un « caractère décennal ».
C’est une assurance de dommages, pas de responsabilité : il n’y a donc pas besoin de prouver la faute de telle entreprise de travaux. Il suffit de démontrer l’existence du dommage de nature décennal pour que l’assureur DO doive sa garantie.
C’est une assurance de préfinancement : l’assureur DO doit indemniser l’assuré pour permettre les travaux réparatoires. L’assureur DO va naturellement exercer ses recours envers les assureurs de responsabilité civile décennale des entreprises de travaux responsables des sinistres, dont éventuellement les bureaux de contrôle, maîtres d’œuvre et bureaux d’étude de sol.
L’obligation d’assurance DO ne concerne pas tous les ouvrages, ni tous les travaux de bâtiment, ni tous les maîtres d’ouvrage
L’assurance Dommages Ouvrages ne concerne que les ouvrages de bâtiment : un ouvrage d’art comme un pont est donc exclu de cette obligation d’assurance.
De plus, certains travaux sur des bâtiments ne relèvent pas de la garantie décennale : changer des extincteurs relève de l’entretien, cela ne relève pas de travaux imposant une assurance dommages ouvrage. En effet, ces ouvrages sont des éléments d’équipement dissociables, que l’on peut retirer du bâtiment sans le dégrader, ce ne sont pas des ouvrages faisant corps avec le bâtiment.
De plus, tous les maîtres d’ouvrage n’ont pas une obligation de s’assurer en dommages ouvrage, comme le rappelle l’article L242-1 du Code des Assurances.
Ainsi, sont notamment exclues de cette obligation de s’assurer en dommages ouvrage :
- Les personnes morales de droit public, comme l’Etat par exemple,
- Les personnes morales exerçant une activité dépassant les seuils mentionnés à l’article L111-6 du Code des Assurances.
Sont ainsi considérées comme telles, les entreprises qui remplissent au moins deux des critères suivants :
- Employer en moyenne sur le dernier exercice plus de deux cent cinquante personnes,
- Réaliser un chiffre d’affaires de plus de 12,8 millions d’euros,
- Afficher plus de 6,2 millions d’euros à leur bilan.
De l’utilité de l’assurance DO
Il est hélas constaté que les assureurs DO couvrent rarement de manière spontanée les désordres de nature décennale, sauf à proposer des indemnités ridiculement basses avec des solutions réparatoires souvent hasardeuses.
D’ailleurs, les assureurs DO fonctionnent souvent avec les mêmes maîtres d’œuvre dont l’objectif principal est de limiter le montant des travaux, quitte à créer un sur sinistre, l’assureur DO déniant ensuite sa garantie au motif que ce sur sinistre relèverait des entreprises de travaux réparatoires.
Résultat, le Maître d’Ouvrage est souvent obligé d’assigner en justice l’assureur DO, les entreprises de travaux et leurs assureurs pour faire valoir ses droits, obligeant souvent à des expertises judiciaires d’une durée anormalement longues (anomalie typiquement française), les avocats et experts d’assurance passant leur temps et leur énergie à ralentir ces expertises et procédures judiciaires.
Sachant que ces procédures judiciaires longues et coûteuses n’ont un réel retour sur investissement que pour des sinistres majeurs à l’enjeu financier important.
Et c’est sans compter que nombre de Maîtres d’Ouvrage n’ont soit pas les moyens financiers ou pas la patience et la ténacité pour de telles procédures.
Ainsi, pour des sinistres décennaux d’ampleur limité, si l’assureur DO dénie sa garantie contre l’évidence, il sera très rarement inquiété dans le cadre d’une procédure judiciaire, ce qui pousse encore plus les experts DO et assureurs DO a utilisé des arguments fallacieux parfois jusqu’au ridicule.
Cet état de fait vient de deux éléments importants :
- Le premier vient du système juridique français lui-même : en effet, un assureur DO qui n’aurait pas payé une indemnité en temps utile est souvent condamné à payer cette indemnité plusieurs années plus tard avec des taux d’intérêt proches de zéro. La sanction étant donc proche de zéro, l’assureur DO a tout intérêt à dénier sa garantie de manière systématique, quitte à faire tourner sa trésorerie dans des investissements rentables, qui lui rapporteront bien plus que la sanction qu’il risque d’avoir à payer quelques années plus tard à la suite d’un procès mené par l’assuré.
- L’assurance est un des rares domaines de l’économie où le besoin en fond de roulement est négatif : en effet, l’assureur reçoit d’abord une prime avant éventuellement de payer des années plus tard une indemnité. L’assureur a donc des moyens financiers très conséquents permettant de s’entourer de gens compétents (gestionnaires de sinistre, experts, avocats) qui ont une connaissance pointue de la loi et de la réglementation, contrairement à l’assuré. Il leur est donc très facile de convaincre l’assuré que la garantie DO ne s’applique pas, alors que les arguments avancés sont souvent très limites voir fallacieux.
Ce tableau révèle donc un dysfonctionnement important de l’assurance DO en général, qui est sensée préfinancer les travaux réparatoires dès la survenance d’un sinistre décennal, quelque soit le responsable (hormis cas de cause étrangère comme le défaut d’entretien par exemple), et qui dans la pratique ne le fait pas ou avec une indemnité dérisoire ne permettant pas de financer les travaux nécessaires.
Et l’Etat ne semble pas pressé de régler ce problème, car les primes d’assurance qui restent chez les assureurs au lieu de payer les sinistres des assurés, permet de financer les déficits de l’Etat, les assureurs prêtant beaucoup d’argent à l’Etat par l’intermédiaire des obligations…
Nombre de Maîtres d’Ouvrage ont fait ce même constat.
Ainsi, certains de nos Clients estiment qu’il est inutile de payer 2 à 3% du montant des travaux pour une assurance DO qui de toute façon ne préfinancera pas ou rarement les travaux réparatoires à leur juste montant.
Quand il s’agit d’une personne morale de droit public ou d’une entreprise qui dépasse les seuils vus plus hauts, et qui a donc les moyens, ce n’est pas très gênant.
Et mieux, certains de ces Clients utilisent cette économie faite en l’absence d’assurance DO pour se payer un expert comme BOUTIN CONSEIL CONSTRUCTION pour mieux défendre leurs intérêts face aux entreprises de travaux, leurs assureurs et experts. C’est un moyen intelligent de dépenser son argent plus utilement à notre avis.
Mais d’autres entreprises ou particuliers aux moyens beaucoup plus limités se passent aussi d’assurance DO pour économiser de l’argent en ne respectant pas sciemment cette obligation de l’article L242-1 du Code des Assurances.
Le Maître d’Ouvrage est sensé risquer une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende, mais nous n’avons jamais constaté de telles condamnations, qui doivent donc être très rares.
Mais le risque est plutôt lors de la revente du bien immobilier dans les 10 ans suite à sa réception : en cas d’absence d’assurance dommage ouvrage, le notaire doit le préciser clairement dans son acte et il ne pourra pas limiter la responsabilité du vendeur en cas de malfaçons de nature décennale, et si une telle clause existait, elle sera réputée non écrite.
Ainsi, le vendeur s’expose à un risque important sans assurance, ce qui peut être dangereux pour des entreprises et particuliers aux moyens limités, des travaux réparatoires de sinistres décennaux pouvant coûter extrêmement cher, jusqu’au prix de la construction dans le pire des cas.
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