Impropriété à destination, nuisance à solidité et garantie décennale
Article 1792 du Code Civil :
Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice de sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à destination.
Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
Des exemples de sinistre pour comprendre :
- Fissuration d’un ouvrage béton armé : une fissure n’est pas forcément révélatrice d’un dommage structurel. En effet le béton a tendance a fissuré naturellement du fait du retrait. En effet, une partie de l’eau mélangée au ciment et au sable pour faire du béton a tendance à s’évaporer après coulage sur une dizaine d’années, ce qui provoque un rétrécissement de ce dernier, qui est partiellement empêché et provoque donc des fissures, parfois visibles à l’œil nu. Donc, pour démontrer une nuisance à solidité, l’existence de fissures ne suffit pas, il faut faire des constats sur site pour voir des éventuels défauts d’exécution et vérifier les plans pour savoir s’il n’y a pas des défauts de conception et notamment des insuffisances de ferraillage. Ainsi, pour démontrer une nuisance à solidité, il est souvent nécessaire de réaliser des calculs prenant en compte les conditions réelles d’exécution de l’ouvrage fissuré, ce qui peut nécessiter par exemple des sondages de sol ou des carottes béton pour vérifier sa résistance, la position et la section des aciers.
- Infiltrations dans un bureau : ceci rend l’ouvrage impropre et relève donc de la garantie décennale. A noter que les dommages doivent avoir une certaine importance.
- Infiltrations sur les voiles d’un parking enterré : ceci ne rend pas forcément l’ouvrage impropre à destination. En effet, les ouvrages béton n’ont pas forcément été étanchés et des cunettes ont pu être mises en place pour récupérer ces eaux. Par contre, si un cuvelage a été mis en place et qu’il est infiltrant (souvent à cause de fissure par insuffisance de ferraillage du voile), alors cela rend l’ouvrage impropre à destination.
- Infiltrations dans une cave ou un local informatique : ces locaux sont destinés à stocker des matériels sensibles à l’eau (papier, armoire informatique et autres), des infiltrations dans ces locaux rendent donc l’ouvrage impropre à destination.
- Fissures sur des carrelages : il faudra d’abord vérifier s’il s’agit d’un carrelage collé ou scellé (existence d’une chape). S’il est collé, alors cela peut révéler des fissures traversantes dans la structure, ce qui nécessitera des sondages et calculs comme explicités plus haut pour démontrer l’éventuelle nuisance à solidité. Mais si tel n’est pas le cas, alors il faudra démontrer l’impropriété à destination, sachant que la jurisprudence est changeante et très restrictive, puisqu’elle ne retient l’impropriété à destination que pour des zones de carrelages fissurés de grande surface créant des risques de chute dans des locaux recevant du public. Ainsi, si on n’est pas dans ces cas là, alors ces désordres de carrelage relèveront de la responsabilité des constructeurs.
- Humidité, moisissures, champignon : c’est souvent le cas quand des réseaux encastrés ou des toitures fuient, et le temps qu’on s’en rende compte, l’humidité et les moisissures/champignons peuvent avoir une étendue importante. Ceci peut relever de la garantie décennale, surtout si cela met en cause la santé des personnes utilisant les locaux : en effet, certaines spores peuvent être dangereuses pour la santé. De plus, cela peut dégrader les structures, en faisant soit pourrir les structures bois ou en faisant corroder les métaux.
- Sécurité des personnes : il est de jurisprudence constante que cela relève de la garantie décennale. Tel est le cas par exemple pour une installation de désenfumage qui n’est pas à même les débits de désenfumage imposés par la réglementation.
- Corrosion de réseaux d’eau glacée : des jurisprudences existent où le Juge a retenu le défaut de solidité pour retenir la mise en jeu de la garantie décennale. Plus couramment, la jurisprudence considère qu’il y a impropriété à destination si cela provoque des fuites généralisées. De plus, il faut que ces réseaux soient indissociables de l’ouvrage de bâtiment (on ne peut les démonter sans détérioration de l’ouvrage). Si les fuites sont très ponctuelles et limitées et qu’on est proche de la fin délai décennal, cela relèvera alors plutôt de la responsabilité contractuelle.
- Défaut d’entretien : certains maîtres d’ouvrages prennent souvent très mal que l’assureur DO met en avant un défaut d’entretien de l’ouvrage pour exclure sa garantie. Mais c’est une clause d’exclusion précisée par l’article 1792 du Code Civil : il est donc logique qu’un assureur et l’expert DO cherchent à mettre en avant des défauts d’entretien, même si parfois le défaut d’entretien n’a rien à voir avec le sinistre déclaré…
Ainsi, avant de faire une déclaration de sinistre à un assureur DO, BOUTIN CONSEIL CONSTRUCTION s’assurera du « caractère décennal » du désordre à déclarer. Et si tel est le cas, il mettra en avant ce « caractère décennal » dans l’énoncé du désordre dans le courrier de déclaration.
Parfois, on tombe sur des cas plus compliqués, qui fait l’application de la garantie décennale ne sera pas évidente. Et deux experts judiciaires différents pourront donner un avis différent sur le même type de désordre, cela se voit tous les jours… L’aide d’un avocat sera alors précieuse pour rechercher des jurisprudences adéquates pour justifier du caractère décennal.
Et il ne faut pas oublier que la formation juridique des experts judiciaires est assez limitée, leur principale compétence étant technique : il y a donc parfois un travail d’explication notamment de la part de l’avocat et de l’expert d’assuré pour expliquer en quoi un désordre a un « caractère décennal ».
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